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La Nouvelle-Calédonie face à l’Histoire (5/8)

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Chapitre 5 – Le nickel : de l’or vert néocalédonien à la malédiction des matières premières

Ébranlés par le premier choc pétrolier, les pays occidentaux tentent de trouver des alternatives pour pallier le déséquilibre de leur balance commerciale à la suite de l’envolée des cours de l’or noir. En décembre 1973, Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances et futur 3ème président de la Vème République, lance l’idée d’un changement d’heure au mois de mars pour limiter la consommation d’énergie. Le dicton alors consacré veut qu’en France « on n’ait pas de pétrole, mais des idées ». Avec un tiers des réserves mondiales de nickel, la Nouvelle-Calédonie ne serait-elle pas l’exception française ?

Exploité depuis la fin du XIXème siècle, l’or vert est la principale source de richesse de l’île. Quatrième réserve mondiale, la Nouvelle-Calédonie est également le cinquième producteur de nickel de la planète. Atout le plus précieux du Caillou, le nickel lui offre des indicateurs socio-économiques étonnement haut pour un territoire d’Outre-Mer (1). Au-delà de jouir d’un minerai d’excellente qualité, parmi les meilleurs du monde, les Néocalédoniens sont également reconnus pour leur savoir-faire en matière d’extraction. Autant d’avantages qui devraient permettre à la Nouvelle-Calédonie d’être un territoire économique vigoureux et stable. Toutefois, si le nickel permet aux Néocalédoniens de bénéficier d’un niveau de vie que lui envient bien des voisins du Pacifique océanien, l’analyse de l’économie néocalédonienne laisse entrevoir bien d’autres opportunités encore inexploitées.

L’économie du nickel en Nouvelle-Calédonie connait de nombreux axes d’amélioration. En premier lieu, elle souffre du manque de vision à long terme. Nombreux sont ceux qui, comme Phillipe Gomès (2), soutiennent la mise en place d’un fond souverain qui « conduira toutes parties de minerais du sol, qui soit transformée sur place ou exportée, à ce qu’une partie du prix soit reversée à ce fond » (3). Toutefois, il est opportun de se demander pourquoi cela n’a pas déjà été réalisé. Peut-être car les retombées auraient légitimé et nourri le discours économique des indépendantistes. En effet, entre 2004 et 2014, le cours du nickel au London Metal Exchange (LME) s’est rarement négocié en dessous de 15 000 dollars la tonne (4). Il a même atteint, en avril 2007, des sommets depuis inégalés (5). Aujourd’hui, la mise en place de ce « Fonds pour les générations futures », faute de cours assez hauts, ne produirait que peu de bénéfices et ne prendraient de sens que dans des périodes fastes, peut-être perdues.

Autre constat, l’économie néocalédonienne du nickel pâtit du manque de présence de la puissance publique. Il faut souligner que l’absence de fonds souverain a surtout profité aux acteurs privés qui exploitent la majorité des mines du territoire, et spécialement Eramet via sa filiale la Société Le Nickel. On peut ici regretter que les pouvoirs publics n’aient pas su conserver une place légitime et influente dans l’exploitation de ses matières premières dont ils ne captent, au total, qu’une part résiduelle des revenus qu’elles engendrent.

Enfin, l’exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie se réalise dans des conditions politiques imparfaites. Déjà enclin à une forte volatilité compte tenu des acteurs qui s’y côtoient : « oligarques russes, révolutionnaires cubains ou spéculateurs londoniens » (6) comme l’explique Philippe Chalmin (7), la politisation de l’or vert néocalédonien n’aide pas à une stabilité pourtant nécessaire. Le nickel a toujours été un argument politique en Nouvelle-Calédonie. Il a notamment été un moyen pour les indépendantistes de négocier et soutenir leur politique de rééquilibrage entre le nord et le sud de l’île. Aussi, certaines puissances à la recherche d’influence dans le Pacifique océanien – et plus particulièrement la Chine – trouvent ici une aubaine pour s’inviter dans l’économie locale, et offrir légitimité et promesses de richesse au projet indépendantiste.

Il est entendu que la Nouvelle-Calédonie peut compter sur l’exploitation du nickel pour soutenir sa croissance économique. Seulement, elle doit être un moyen de diversifier son économie et non en constituer sa seule finalité. Aussi, « bâtir tout le développement de la Nouvelle-Calédonie en pensant que le nickel est une chance, est une hérésie » pour Patrick Chalmin qui déconseille vivement « à la Nouvelle-Calédonie d’être avec le nickel, ce que le Venezuela aujourd’hui ruiné – est avec le pétrole ». Travailler sur les axes d’amélioration de l’exploitation du nickel néocalédonien demeure assurément la réponse la plus efficiente. Les acteurs publics pourraient ainsi réinvestir massivement dans d’autres domaines comme le tourisme ou l’agriculture, qui peinent à trouver un essor malgré des acquis encore trop peu partagés dans la région. Une telle entreprise, pour s’établir, devra malheureusement attendre la fin du processus d’autodétermination. Au risque, peut-être, de se réaliser dans un environnement plus difficile où Chinois et cours bas pourraient mettre en péril la santé économique de l’île.

Bastien VANDENDYCK

© VANDENDYCK Bastien / L’activité de l’extraction de nickel en Nouvelle-Calédonie

 

1. Le PIB par habitant néocalédonien est de 29 500 euros par an. Ce résultat se rapproche de ceux de régions comme la Provence-Alpes-Côte-D’azur (30 080 euros par an) ou les Pays de la Loire (29 600 euros par an) et distance ceux des territoires d’Outre-mer comme la Guadeloupe (21 600 euros par an) ou Mayotte (10 600 euros par an). Eurostat, 2018.

2. Député de la seconde circonscription néocalédonienne.

3. Entretien avec Philippe Gomès, le 07 juin 2016, à 18h20, à l’Assemblée Nationale.

4. Le prix plancher moyen à partir duquel les usines néocalédoniennes dégagent des bénéfices. 5 52 000 dollars la tonne.

5. 52 000 dollars la tonne.

6. Interview de Philippe Chalmin par France Télévision – http://la1ere.francetvinfo.fr/2015/05/21/la-nouvelle- caledonie-n-est-plus-vraiment-importante-pour-le-marche-du-nickel-estime-philippe-chalmin-257839.html.

7. Historien et économiste libéral français, spécialiste des marchés de matières premières. Il est le fondateur du Cercle Cyclope, qui publie chaque année depuis 1986 un rapport complet sur l’état et les perspectives des marchés mondiaux de matières premières.

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